Jack Tone, 2014

Texte de Jack Tone dans le cadre de mon exposition avec Jacques Villeglé (à la galerie de la revue Entre à Paris)

 

« Glyphes animés » Jacques Villeglé & Nicolas Aiello
Jacques Villeglé et Nicolas Aiello mettent les potentialités de l’écriture occidentale à l’épreuve le temps d’une exposition construite sur le rapport image/texte. Du carré magique antique au « format de texte enrichi » informatique en passant par « l’alphabet socio-politique » et une approche inédite du dessin animé, la galerie ENTRE se fait l’écrin privilégié d’une poésie plastique à décrypter. Le Dictionnaire historique de la langue française nous apprend que le mot ‟âme‟ est issu du latin anima, qui signifie ‟souffle, air”. Il précise également que le latin « a très tôt distingué un principe mâle, supérieur, l’animus (traduisant le grec thumos, ‟thymique”) et un principe
femelle, l’anima, qui traduit le grec psukhé, ‟psyché”, au sens de ‟principe de la vie” ».
Le même dictionnaire nous renseigne sur les origines, plus tardives cette fois, du mot ‟glyphe”, emprunté en 1701 au grec gluphé (…), de gluphein ‟tailler, graver”. Ainsi, c’est au XVIIIe siècle et très probablement parallèlement au développement de ce qui allait devenir l’archéologie que le glyphe devint ce ‟trait gravé en creux”, à distinguer du célèbre hiéroglyphe, issu d’un « emprunt savant daté de 1529 au bas latin hieroglyphicus », composé de hieros
‟sacré” et d’une dérivation de verbe. De cette mobilité permanente des mots a surgi la combinaison « glyphes animés », qui titre aujourd’hui la nouvelle exposition proposée par la galerie ENTRE, avec Jacques Villeglé (né en
1926) et Nicolas Aiello (né en 1977).

Issus de générations différentes (quoique toutes les deux marquées par l’histoire mouvante de l’art du XXe siècle, particulièrement mouvementée en matière de relectures formalistes), les travaux de Jacques Villeglé et de Nicolas Aiello témoignent néanmoins d’un rapport critique à l’idée de « vocabulaire plastique », en cela qu’il s’agit moins pour eux de délimiter le cadre d’un art qui serait exclusivement identifiable comme « le leur » vers la réalisation et le partage d’imprimés, de stickers, de sérigraphies ou encore d’installations qui permettent, côte à côte, d’interroger du regard la plastique propre au(x) vocabulaire(s) de notre temps.

L’exposition Glyphes animés juxtapose dans cette perspective des carrés magiques antiques au RTF informatique revu et corrigé par le biais de photographies inédites, un rébus de 1613 « mis à jour typographiquement en 1999 » au moyen de l’alphabet socio-politique composé par Jacques Villeglé avec une vidéo de Nicolas Aiello qui s’inspire de la fameuse neige télévisuelle analogique pour mieux visiter en 4 minutes et de manière aléatoire une série
de 25 dessins… On y observe également une réappropriation manifeste de l’information quotidienne, au travers d’oeuvres comme Prospectus, avec laquelle Nicolas Aiello fait d’un contenu publicitaire un feu d’artifice graphique, mais aussi Bourse de Paris du 21 janvier 1994, quasi tract politique réalisé par Jacques Villeglé par superposition à l’échelle des « valeurs » des entreprises cotées en bourse ce jour-là.

« J’admire sans réserve le scribe penché sur sa table (…) c’est un artiste dans le sens le plus complet du mot » écrivait l’historien de l’art Elie Faure dans un texte repris par Jacques Villeglé en 1992 et présenté à l’occasion de Glyphes animés. De même, toute l’équipe de la Galerie ENTRE rend hommage à Jacques Villeglé et Nicolas Aiello, qui mettent les potentialités de l’écriture occidentale à l’épreuve le temps d’une exposition construite sur le rapport image/ texte, comme autant de poèmes plastiques en attente d’une interprétation.

Jack Tone, commissaire de l’exposition.